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Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/73

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LES TROIS COCUS

Pharamond, sitôt uni par les liens conjugaux, avait lâché sa cordonnerie et s’était consacré tout entier à sa femme.

C’était admirable de logique. Seulement, lorsque la clientèle du water-closet sut que la demoiselle était passée au rang de dame, le Lamartine fut promptement déserté. Tous les mirliflores qui venaient papillonner autour du comptoir des Méditations le délaissèrent en peu de temps. Ils n’avaient plus aucune raison de fréquenter l’endroit. Pharamond avait quitté l’alêne pour prendre le petit balai de chiendent, et il était toujours là, majestueux, tenant comme un sceptre l’instrument qui marquait sa nouvelle fonction. Paméla étant doublée d’un mari légalement breveté par l’Hôtel de Ville, les clients n’avaient plus qu’à porter leurs hommages dans d’autres lieux.

Ajoutez à cela que le général Sesquivan, dont la conduite paraissait incompréhensible aux jeunes époux, ne s’était pas fait faute d’accabler de vexations le ménage qu’il avait créé par méprise.

À Marseille, les lieux d’aisance tiennent les journaux, à l’instar des bureaux de tabac. On y débite les feuilles quotidiennes comme dans un kiosque. Personne dans la cité phocéenne n’a oublié un décret fameux du commandant de l’état de siège, décret ainsi conçu :

« Article 1er. — À partir de ce jour, le journal l’Égalité, dont la rédaction excite continuellement les citoyens au mépris de l’autorité, est interdit sur la voie publique.

« Article 2. — Sont considérés comme compris dans le domaine de la voie publique : les étalagistes, les kiosques, les bureaux de tabac et les lieux d’aisance. »

En dépit de cet arrêté, les Méditations de Lamartine, qui croyaient jouir des faveurs du gouvernement de la ville, continuèrent à tenir divers journaux défendus ; et, un beau matin, le parquet militaire leur signifia un décret particulier ordonnant pour trois mois la fermeture de l’établissement.

Ce fut la ruine.

Quand, après cette interdiction de trois mois, la maison du Cours rouvrit ses portes au public, elle constata qu’elle était passée à l’état de Sahara ou grand Désert. Nul mortel ne s’aventurait plus dans ses cabines. Le ménage Le Crêpu déposa son bilan.

C’est alors que Pharamond, accompagné de Paméla, se transplanta dans les environs de la capitale. Il s’installa à Clichy-la-Garenne et reprit le ressemelage des bottines de ses contemporains. — Ces détails rétrospectifs sont pour

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