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Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/96

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LES TROIS COCUS


CHAPITRE XIII

UN AUMÔNIER POUR DEUX DÉVOTES


Romuald Chaducul n’était pas au bout de ses embêtements.

On était en plein été, et, à sept heures, il faisait encore grand jour. Il ne fallait pas songer à réintégrer de sitôt son domicile ecclésiastique : il était indispensable d’attendre la nuit.

Il erra donc quelque peu dans les rues, marchant au hasard, choisissant de préférence les voies les plus fréquentées pour passer inaperçu.

Il remonta ainsi le boulevard Saint-Michel et prit ensuite le boulevard Montparnasse. Avec ça, il avait une fringale atroce qui lui tiraillait l’estomac.

Il fouilla dans sa poche.

Le porte-monnaie du pompier dont il portait le costume était peu garni ; il contenait juste deux francs huit sous. Il n’y avait pas à espérer s’offrir bombance.

Il se rendait parfaitement compte, à présent, de ce qui était arrivé. C’était la bonne qui avait le pompier. Elle l’avait réclamé sous le nom de Philéas. Sans aucun doute, elle lui avait remis sa soutane, sa belle soutane neuve, qui renfermait, dans une poche, un tas de papiers précieux, sans parler de l’argent. Et c’était ce Philéas qui allait nocer à sa place !… À cette heure, il devait se prélasser, majestueux, en costume d’oint du Soigneur… Et il irait, dans un pieux restaurant du quartier Saint-Sulpice, se payer, avec les écus de Romuald, un plantureux balthazar arrosé de vins exquis !… Et il lirait les secrets de son portefeuille, les adresses de ses pénitentes, les lettres de recommandation que lui écrivaient divers évêques in partibus en faveur de jeunes prêtres qu’on le priait de caser à Paris !… Il y avait, notamment, un néophyte polonais dont il s’était chargé… Tous les papiers de l’apprenti-curé se trouvaient précisément dans le portefeuille de l’abbé Chaducul… L’abbé voyait s’amonceler à l’horizon une multitude de nuages qui