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LES TROIS COCUS

d’ailleurs une clientèle excellente ; l’argent ne leur coûtant qu’un travail d’imagination et des trucs de carottage, les soutaniers ont toujours la bourse bien garnie et paient recta.

Philéas fit honneur au dîner qu’on lui servit. Jamais il ne s’était imaginé qu’on pût donner à un homme tant de plats, même pour le prix de quatre francs, qui lui paraissait déjà bien élevé. L’appétit vient en mangeant et la soif en buvant. Il ne laissa rien dans les assiettes et vida sa bouteille jusqu’à la dernière goutte, même il demanda des flacons de vin supérieur à titre de supplément.

Tout en engloutissant boisson et victuaille, il examina sa bourse et son portefeuille. La bourse contenait neuf louis et de la monnaie. Le portefeuille, divers papiers qui lui parurent fort intéressants, car il poussa plusieurs : « Oh ! oh ! » « eh ! eh ! » « ah ! ah ! », témoignant une admiration mêlée de gaîté.

Une série de papiers, réunis sous une seule enveloppe, et au nom de « l’abbé Vasilii Groussofski, de Varsovie », eut le don de le faire réfléchir longtemps. On eût dît qu’une idée bizarre germait dans son cerveau.

Il demanda encore un flacon de vin supérieur. Puis, il prit le café, et, en guise de pousse-café, de nombreux petits verres de fine-champagne. Grâce aux divers suppléments, son addition dépassa dix francs.

Il paya et sortit. Il marcha un bon quart d’heure. Quand il fut hors du quartier de la calotte, il entra chez un coiffeur et demanda à être rasé dans un cabinet du fond. Le Figaro ne fit aucune difficulté.

Resté seul avec le patron, il lui dit :

— Je ne suis pas plus curé que vous ; mais je suis en train de manigancer une farce. C’est pour ça qu’il ne faut pas que vos clients me voient. Vous allez me raser gentiment, et puis, vous me ferez une belle tonsure, parce que sans tonsure il n’y a pas de curé.

Le coiffeur s’exécuta de bonne grâce. C’était un bon zig. Il pensa que la farce était bonne.

— Tenez, dit-il, à Philéas, une fois la tonsure terminée, vous voilà réussi comme un évêque ; votre tête ressemble à un parfait cul de singe !… Seulement, je vous conseille de ne pas vous amuser à donner trop d’accolades aux bouteilles : vous avez déjà un léger coup de soleil. En exagérant la chose, vous risqueriez de vous faire pincer,

Philéas remercia le Figaro île son fraternel avis, le rémunéra généreusement et se remit en route. Le conseil de