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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/146

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LE MONDE DES IMAGES.

arrive ainsi à concevoir une métaphysique, qui deviendrait en quelque sorte musicale, et où la sonorité des mots primerait l’idée contenue dans ces mots. C’est là un des nombreux labyrinthes qui nous arrêtent sur le chemin du mystère. Plus le verbe s’éloigne de l’homme, pour pénétrer dans les choses, et moins il devient précis. L’outil s’émousse à mesure que l’ouvrier avance. Il lui reste, il est vrai, le pressentiment, lequel commence où le mot défaille, dans l’après-mot.

Revenons à la construction verbale de la phrase. Du point de vue philosophique, celle-ci peut être considérée comme un seul mot, morcelé en plusieurs tronçons, que traverse le signe de l’action, c’est-à-dire le verbe, à la façon d’un fil reliant les perles d’un collier. C’est par le verbe, ou ce qui en tient lieu, que le soi agit sur le langage. Le verbe peut être considéré comme le reliquat et le conglomérat des actions de nos ancêtres, lui-même étant principe du mouvement. Quelle que soit, selon les langues, la place du verbe dans la phrase, jusqu’à lui l’effort verbal monte. Aussitôt après lui, il décroît et l’image circonstancielle s’efface et disparaît dans l’esprit. L’image héréditaire correspondante y demeure un peu plus longtemps, pour s’effacer elle-même à son tour. C’est ici la phase de l’après-mot, infiniment brève ou prolongée, selon qu’un autre avant-mot interviendra pour la couper, ou qu’elle se poursuivra dans le silence intérieur, ou extérieur.