Aller au contenu

Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
143
LE MOT ET CE QU’IL ÉVOQUE.

que toute leur ascendance pousse à leur conjonction les humains amoureux, dans les cas jugés irrésistibles et quasi foudroyants, beaucoup moins rares qu’on ne le suppose.

Le mot est donc une évocation semi-héréditaire, semi-éducative, qui évoque à son tour des figures et d’autres mots, c’est-à-dire d’autres figures de figures. Si l’on pouvait mettre bout à bout tous les propos que tient ou que fixe, par l’écriture, un individu donné, même très ordinaire, au cours de son existence, on aurait là une carte mêlée de ses impressions et émotions et de celles transmises par son ascendance, comparable à un de ces manuscrits palimpsestes, où une écriture en recouvre une autre, d’une autre époque. Sur ce manuscrit, les réapparitions les plus anciennes sont soumises à l’influence du désir, dont nous connaissons la double origine, mi-personnelle (impulsion créatrice), mi-congénitale (instinct génésique).

Ceci posé, il est des mots chargés d’orages et d’événements joyeux ou tragiques, comme des personnes vivantes, dont ils sont, pour une part, l’émanation et le reliquat. Il est des assemblages de mots, qui peuvent influer, en bien ou en mal, sur la destinée. L’abracadabra des sorciers du moyen âge revêt une interprétation nouvelle et moderne. Certaines règles de fausse vie, certains paradoxes, fréquents chez les hérédos caractérisés, nommés d’un ton d’autorité, peuvent avoir une action fâcheuse sur des êtres jeunes, impressionnables ou légers. La