Aller au contenu

Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
165
LE MOT ET CE QU’IL ÉVOQUE.

élastiques. Cela faisait partie de sa personnalité, comme son zézaiement. Alphonse Daudet, quand il réfléchissait, penchait le visage de biais au-dessus de sa pipe, tenue entre le pouce et l’index de la main droite. Chacun connaît de nombreux exemples de ces habitudes musculaires, de ces attitudes correspondant à des images morales et intellectuelles, et qui se transmettent héréditairement.

Certaines personnes, quand elles fournissent des explications à une autre, ont coutume de tripoter les boutons de veston de leur interlocuteur ou de lui tapoter l’épaule, ou de le prendre par le genou, si c’est un ami. D’autres, quand elles font une description, exécutent simultanément une série de gestes correspondant aux plans du paysage, signifiant que ça monte, que ça descend, que ça tourne, que ça disparaît. D’autres, devant une œuvre d’art qui les enchante ou les irrite, s’abandonnent à des mimiques passionnées de bénédiction et de malédiction, s’approchent, s’éloignent du tableau ou de la statue, en limitant des morceaux avec les mains en cornet, en gaufre, en pointe, en calice. On dirait que, chez ces archimimes, le mot est insuffisant à traduire la personimage qui les anime comme des pantins, dont les figures intérieures tireraient les ficelles. Innombrable est le répertoire des moues ; mais on peut dire qu’en général un plissement, une torsion de la bouche signifient qu’on ne tient pas à quelque chose, que l’on n’est pas de cet avis, que ça ne marche pas comme on l’espérait. C’est la mimique