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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/176

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LE MONDE DES IMAGES.

des douteurs, des sceptiques, des pessimistes. Alors que l’optimiste lève le bras, la jambe, frappe au hasard et, au besoin, ses propres cuisses. Le désabusé hoche la tête, agite la main entière, ou un doigt de la main, de droite à gauche, devant la figure. Le méfiant appuie l’index sur la paupière droite et la tire en bas. C’est la traduction musculaire de l’expression : avoir à l’œil… tenir à l’œil. L’indifférent, celui qui craint que l’on insiste, fait avec ses mains un mouvement d’oiseau qui s’envole, ou de vague qui progressivement s’aplanit. Le menaçant porte l’index en avant et l’agite selon une ligne oblique. L’amoureux sentimental se jette à genoux, ce qui est une façon d’être à la fois passionné et inopérant. Je ne vous décrirai pas l’attitude de l’amoureux non sentimental, et qui court hypocritement au but. Il n’est aucun état violent, ou fortement imagé de l’esprit, qui n’ait ainsi sa correspondance musculaire. L’art du grand comédien consiste à reproduire ces attitudes, à l’aide d’images mentales artificielles, illusoires.

Néanmoins, la mimique est courte. Il s’en rend compte celui qui, dans un pays dont il ignore la langue, essaie de faire comprendre à un passant qu’il désire visiter le musée ou la bibliothèque ; à un garçon de restaurant qu’il désire manger un perdreau. On peut y arriver, mais c’est dur. C’est presque impossible, quand on passe d’un acte défini à l’expression d’un sentiment donné ou d’une idée, même très simple. On sait les immenses difficultés