Aller au contenu

Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
LE MOT ET CE QU’IL ÉVOQUE.

que présente l’éducation d’un sourd-muet, et les trésors de patience et d’ingéniosité que doit déployer son éducateur.

L’écriture, participe à la fois du dessin et de la gesticulation minutieuse. Elle est quelquefois le dessin du mot, plus souvent le dessin des lettres composant le mot, combiné avec certains mouvements ou gesticules, prolongations musculaires de l’image verbale. C’est pourquoi la personnalité s’inscrit. C’est pourquoi les graphologues arrivent à reconstituer, avec exactitude, le caractère, le tempérament, les penchants, même le squelette biographique d’un scripteur donné. Ainsi que dans la parole, la mémoire héréditaire joue un rôle important dans l’écriture et dans l’évocation par l’écriture. Tout écrivain né connaît les épanouissements intellectuels qui peuvent succéder à un trait de plume, à la configuration graphique immédiate d’un mot.

Les premières impressions sont les plus fortes. Quand je commençais à écrire des dialogues philosophiques et des romans, voire de petits articles de journaux et de revues, j’étais émerveillé du secours que m’apportait le mouvement de la plume sur le papier. Il m’ouvrait, ce mouvement fébrillaire rythmé, des avenues et des avenues dans l’esprit. Chaque mot, à peine tracé, m’éclairait le chemin pour un autre mot, qui à son tour faisait lever une idée ou une image. Ainsi de suite. Je ne me rendais pas compte alors que c’était ma mémoire