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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/205

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LA CONCEPTION CRÉATRICE.

comme telles, font lever chez ces autorités, chez leurs subordonnés, leurs sujets, leurs disciples, des personimages à leur ressemblance. La persuasion qu’ils exercent est une sorte de modelage intérieur, bien plus durable et plus solide que la crainte. Les vues d’un Richelieu, d’un Louis XIV, d’un Louvois s’imposaient immédiatement, par leur conformité avec la raison prévoyante, ou à la longue, par leurs résultats. Celles de Bonaparte s’imposaient d’abord, surtout les militaires, par une compréhension soudaine de la situation, tactique ou stratégique, et de ses remèdes, puis, à la longue, décevaient et rebutaient. C’est qu’au moment où l’attraction qu’il exerçait cessait, il passait lui même sous une autre emprise héréditaire. Au point de vue de la destinée, cela est important. Pour que Brutus ait osé assassiner César, il fallait qu’il y eût à ce moment-là, une défaillance intérieure, un amoindrissement de la pensée dominatrice en César. Henri IV était hanté par une autre figure héréditaire que d’habitude quand il fut poignardé par Ravaillac. Toute personnalité supérieure est évidemment soumise à la haine (qui sert d’ailleurs à la mesurer), mais la haine ne trouve son chemin, et le chemin de son fer ou de son poison, que si cette personnalité est momentanément soumise à un ancêtre de type plus faible.

Cela est très sensible en duel, où l’on est touché, quand on n’a pas la conviction forte que l’on touchera, quand la personimage intérieure est molle et résignée. Chacun sait que l’appréhension (hérédité