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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/209

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LA CONCEPTION CRÉATRICE.

et compose, entre l’abstrait et le concret, une sorte d’évocation multiple et nuancée. Qu’une telle simultanéité soit possible, nous nous en rendons compte quand nous éprouvons, dans certaines transes, deux sentiments ou trois à la fois, tels que la crainte, le désir et le regret, accompagnés de fièvre, de fourmillements, de mouvements fébrillaires du visage ou des extrémités. Le masque des pluri-imagés, s’il est difficile à décrire (et, pour les comédiens, à reproduire) est, par contre, facile à observer. Il ne consiste pas, comme celui des uni-imagés, en une expression déterminée. Le peuple dit qu’il est moitié figue, moitié raisin. Certains albums japonais (Hokousaï-Outamaro) en donnent des expressions saisissantes.

On pourrait dresser une table des courants sexuels, sensuels, sentimentaux, sensibles, intellectuels et organiques, correspondant à autant de personimages, qui constituent, par leur mélange l’état des pluri-imagés. Spinoza, dans l’Ethique, a commencé à dresser cette table, mais avec une perspicacité assez restreinte et assez terre à terre. À l’étudier, on ne sait trop d’où tombent dans l’homme les états passionnels, qu’il analyse mieux qu’il ne les interprète. Ce qui m’a toujours intéressé dans ce philosophe, plus que sa philosophie, fort inférieure, à mon avis, à celle de Descartes, c’est sa personnalité philosophante, dans le moment où il philosophait. On voit, par lui, que la pluri-image tient à la simultanéité des personimages héréditaires, et non à