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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/240

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LE MONDE DES IMAGES

organiques également périodiques ; d’autres, enfin, sans qu’il soit possible de leur assigner une cause précise. Une partie des rêves s’explique par la vie courante, dont ils sont en quelque sorte le reflet immédiat ou à échéance. Une autre partie échappe à cette explication. Ces derniers rêves inexpliqués, parfois cauchemars, parfois agréables ou mélancoliques, d’un retentissement intellectuel, moral et même physique qui les distingue de leurs congénères, se rattachent, selon moi, à la mémoire héréditaire et sont des fluorescences ancestrales. On les reconnaît à l’intensité de leur aura, à une coloration morale particulière, et telle qu’ils donnent autour d’eux une physionomie nouvelle, insolite, à la vie ordinaire.

Ces rêves exceptionnels sont chargés de sentiments antérieurs, auxquels adhèrent les fantômes des mots servant à exprimer ces sentiments, et toutes les possibilités verbales des avant-mots correspondants. Ils augmentent la compréhension. Ils peuvent prêter aux choses et aux gens un aspect féerique. Leurs correspondants et vestiges littéraires apparaissent dans la Divine Comédie de Dante, les Songes de nuits d’été et d’hiver de Shakespeare, les Mille et une Nuits, les Contes de Perrault et en général toutes les fictions hyperréelles et légendes, où les transformations et métamorphoses prennent figure de phénomènes courants. On en trouve une magnifique collection dans la Légende de la Mort en Bretagne, de Le Braz, et dans les Contes de Gascogne, de Bladé.