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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/28

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Il est des images uniquement intellectuelles. Il en est d’émotives. Il en est qui participent de l’intellect et de l’émotion, au premier rang desquelles les mystiques. Sainte Thérèse et Jean de la Croix, Catherine Emmrich, sainte Catherine de Sienne en offrent d’éclatants exemples. Le plus grand fourmillement d’images connues, gouvernées par un soi majestueux, est le Dante, comparable à un soir d’été, profond et clair, avec un formidable orage au lointain. Certaines œuvres, les Géorgiques par exemple, semblent dérivées d’une seule et intense image de la campagne romaine au soleil couchant. D’autres, comme le Cid, apparaissent illuminées par une seule image de juste vengeance. D’autres, comme les Pensées de Pascal, sont le développement poursuivi du spectacle intérieur, sublime et désolé, de notre Sauveur sur la Croix. La plupart des monuments de l’esprit humain, que les âges se transmettent comme chefs-d’œuvre, sont ainsi formés d’une grande et puissante image-reine, à l’intérieur de laquelle gravitent des images secondaires, à sa ressemblance ou à sa contrariété, elles-mêmes constituées d’images tierces ou quartes, puis fragmentaires, dont l’arrangement et l’emboîtement demeure harmonieux. J’estime que ces monuments furent conçus d’un coup, réalisés par le développement successif, par les étapes d’une métaphore soudaine ; tels les échos succédant, de rythme en rythme et d’onde en onde, à l’effusion pathétique d’un grand cri.