Aller au contenu

Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tains, tels que Beethoven, ont bien essayé de la musique pour étendre le champ de l’introspection : mais la musique ayant toutes ses ondes sur le plan du rêve, n’a plus de perspective entre le réel et le rêve, et elle aboutit assez vite à l’engourdissement intellectuel, qui rejoint le plaisir physique. On voit à quel point le problème de la pénétration plus avant, de la pénétration au delà des mots, « outrecuidante », est malaisé. Nous devons cependant l’aborder, si nous voulons nous rendre un compte approximatif du déroulement et de l’enroulement en nous des personimages, des fantômes involués qui font notre vie.

Je suppose que vous prononciez ou que vous épeliez le mot « colère », que vous lisiez, dans un bon auteur, une description des désordres de la colère. Aussitôt se présenteront en foule à votre mémoire les souvenirs de circonstances où vous vous êtes mis en colère, et, par le jeu du contraste, d’états tranquilles, placides, souriants, de votre personnalité. Souvenirs et états se traduisent, dans votre esprit, à l’aide de mots, d’abord spontanés, puis appliqués, par lesquels votre soi cherche à prendre une notion aussi serrée que possible des circonstances concomitantes de votre moi. Ensuite, il vient un moment où cela se brouille, s’embrume et où il reste, au fond de votre pensée reviviscente, un résidu, à peine verbal, de ces troubles qu’englobe le terme générique de colère. C’est précisément ce résidu qui fait partie de la personimage dont le retour provoque