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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/198

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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

mais acceptant les mêmes idoles et farcis des mêmes erreurs que ceux de monsieur Adolphe Thiers, sans calembour. Ceci s’explique par le fait qu’alors que le paysan est méfiant, même et surtout vis-à-vis de l’imprimé (en quoi il faut admirer, une fois de plus, son bon sens), l’ouvrier est extraordinairement candide et la proie facile du caractère d’imprimerie. La bourgeoisie française aura depuis longtemps abandonné le culte des fétiches démocratiques, conservés dans la glace du Panthéon, que d’innombrables ouvriers, se croyant révolutionnaires dans leur classe (alors qu’ils le demeurent dans le style de la classe combattue par eux), continueront de vénérer Saint Hugo, Saint Zola, Saint Renan, etc… et de prendre pour des émancipateurs ces asservisseurs à la sottise antisociale et inhumaine. Car rien n’est humain comme l’humanisme. Mais rien n’est inhumain comme l’humanitarisme.

Émancipateurs !… Mot magique, par lequel la sottise homicide et bestiale s’environne des lauriers, se coiffe des couronnes du bienfaiteur et du génie. On sait que, dans les premiers jours de la Commune de Paris, les fédérés laissaient respectueusement passer, chapeau bas, le long des barricades, le corbillard emportant Charles Hugo, fils de Victor Hugo, au père Lachaise. Ils croyaient, on leur avait dit, que Hugo était des leurs, qu’il était pour l’émancipation. En fait, Hugo, monstre d’orgueil et d’égoïsme, comme tous les asservis à leur instinct, était pour l’émancipation de soi-même et ne flattait le peuple que par peur, selon ce raisonnement très