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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/213

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AFFAISSEMENT DE LA FAMILLE ET DES MŒURS.

mot est horrible), c’est-à-dire encore et toujours conventionnel. Un mouvement réel, saisi par un œil exercé, paraît faux au commun public. C’est ainsi qu’un monsieur ou une dame qui pleure doit toujours mettre académiquement sa figure dans ses mains, qu’un monsieur en colère doit tendre le poing, qu’une dame qui implore doit s’agenouiller, les bras rejetés en arrière, etc. Le grand artiste rompt avec ces routines et fait pleurer hors des mains, rager sans poing tendu, implorer en avant, etc. Dans les époques de sensibilité et d’intelligence artistiques, ces beautés sont comprises et accueillies d’emblée. Elles choquent et rebutent dans les autres. Elles ont choqué et rebuté au XIXe. De même en littérature, où un écrivain, un artiste, un poète, un musicien de tendances hardies mais classiques (car le classique est hardi et franc, comme tout ce qui est sublime) est traité de révolutionnaire, d’incompréhensible, etc., et de désespoir, tourne en effet au désordre et à la confusion. J’ai vu ce cas plus de cent fois.

C’est une erreur de croire qu’à aucune époque le sublime n’a couru les rues. Le sublime est, au contraire, très facilement compris des gens simples, en contact direct avec la nature, par exemple des pâtres, des marins, des laboureurs. Il n’est jamais compris des primaires qui, déviés par des notions fausses, académiques principalement, vont d’emblée au caricatural, pris pour le sublime, c’est-à-dire au romantisme. On a dit qu’il y avait une éducation préalable du beau. C’est très vrai. Le beau n’est pas subjectif comme disent les boches, ni affaire d’ap-