Aller au contenu

Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
217
AFFAISSEMENT DE LA FAMILLE ET DES MŒURS.

autre Michelet, mais morne et sans dons littéraires, un Michelet privé de trompette. Étant tel, l’homme de génie est forcément révolutionnaire. Il enfante dans la terreur et dans les larmes, afin que tout le monde soit content ensuite. C’est un père de famille qui casse ses meubles, bat sa femme et jette ses enfants par la fenêtre, puis met le feu. En suite de quoi, tous ses voisins jouissent de blandices et de délices inouïs. Aux personnes qui croiraient que j’exagère, je recommande la lecture des œuvres philosophiques de Quinet, ainsi que de ses Révolutions d’Italie. Cet auteur est, comme Michelet, un type de dément aux dehors bourgeois et logiques, qui joint la platitude à l’extravagance, à la façon de Saint-Simon, de Fourier, de Victor Considérant. Ce qui est remarquable et, en un certain sens, consolant, c’est qu’un temps, muni de pareil docteurs, n’ait pas abouti à des hécatombes pires que celles que nous avons subies. Il faut que notre pays ait la tête solide, pour avoir résisté à de pareilles lumières, et s’en être tiré avec un minimum de cinq invasions en 130 ans. Avec des conducteurs et pilotes nourris et imbibés de Hugo, de Michelet, de Quinet, de Rousseau, etc., nous avions droit à une invasion tous les dix ans. La bêtise est plus cruelle que la méchanceté.

La seconde idole des salonnards, et qui agit sur eux par la peur, c’est la foule. Ils sont pour le suffrage universel, parce qu’ils s’imaginent que celui-ci substitue la foule tranquille et votante « en ses collèges » à la foule furieuse, armée de