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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/237

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DOGMES ET MAROTTES SCIENTIFIQUES.

comme le croient les derniers évolutionnistes. La Science est donc en éboulement et en relèvement perpétuels. C’est d’ailleurs pourquoi elle ne saurait être mise à la base de l’instruction, de l’éducation, ni de la morale. Attendu qu’elle meuble l’esprit, mais ne le forme pas. On peut être un puits de science, un Pic de la Mirandole du temps actuel, et un homme dénué de bon sens courant. J’ai connu de tels métis de la semi-loufoquerie et de la culture intensive. La Science ne développe guère le jugement. En revanche, elle développe l’amour-propre, qui est un second aveuglement ajouté à celui inhérent à l’homme. L’accord, chez un même individu, de la science et de l’humilité est infiniment rare. Je ne l’ai guère rencontré, pour ma part, que chez le professeur Potain, qui souriait doucement du progrès indéfini. On dit qu’il existait aussi chez Pasteur. Mais on sent néanmoins que la contradiction scientifique faisait faire de la bile à Pasteur, l’irritait. Au lieu qu’elle divertissait plutôt le professeur Potain, comme toute manifestation sincère de l’humain, dont il raffolait.

Examinons d’abord l’Évolution. Je ne puis écrire ce mot sans me représenter la vénération dont il a rempli le temps de ma jeunesse, mes contemporains, la Faculté, les professeurs en rouge, en jaune et en bleu, les académiciens, toute la boutique, comme disait un huissier irrespectueux de l’École de Médecine, à l’époque de mes études. Quand on avait dit Évolution, on avait tout dit. La pensée, développée plus tard par René Quinton (cet esprit