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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/238

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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

puissant et original) d’axes permanents et fixes, au milieu des lignes et tourbillons du changement, fût apparue alors comme un blasphème scientifique, si quelqu’un eût osé la formuler. De la biologie, le principe d’évolution, et de sélectionnements ou perfectionnements évolutifs, avait gagné les régions littéraires et méditatives. Brunetière, critique d’une haute fantaisie, et auteur plaisant qui s’ignorait, mettait de l’évolution, comme d’autres mettent du sel ou de la moutarde, dans tout. Il assimilait les auteurs à des polypiers, les genres romanesques et dramatiques, qu’il classait puis déclassait arbitrairement, à des coraux. On ne lit plus ses pesants bouquins, depuis qu’il a quitté ce monde et évolué vers d’autres planètes (système Charles Richet) et l’on a tort. Leur ni-queue-ni-tête est salubre et récréatif. Quand le ciel est gris et la politique maussade, quand j’ai un enfant malade et que la mère et moi attendons impatiemment le docteur, je prends un bouquin de Brunetière et je m’applique un rien d’Évolution. Aussitôt je revois, couchées dans leur tombe prématurée, toutes les remarques hypothétiques d’Herbert Spencer, qui avait découvert la déesse de son côté, tandis que le bon Darwin la poursuivait dans les orchidées, les plantes grimpantes, les pelages et les vers de terre. L’univers évolutif était facile à apprendre. C’est dommage qu’il n’ait correspondu à aucune réalité profonde ; et le transformisme pas davantage. Il semble aujourd’hui que le véritable inventeur du système, j’ai nommé Lamarck, ait eu une notion plus claire