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Page:L’Étourdi, 1784.djvu/230

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L’ÉTOURDI.


fans qu’un fils, & moi. Mon pere nous aimait également tous deux. Mais ma mere qui ne chériſſait que ſon fils, força ſon mari, dont elle gouvernait l’eſprit & le cœur, de lui prodiguer toute ſa tendreſſe, même la portion qu’il m’accordait. Idolâtre de ſon fils, ma mere craignait que je ne diminuas l’immenſe héritage qu’il devait recueillir : il n’y avait qu’un ſeul moyen d’empêcher ce malheur, & elle le ſaiſit avec avidité ; à l’âge de dix ans, je fus miſe au couvent, & deſtinée à prendre le voile.

Les religieuſes chargées de mon éducation, s’efforcerent de m’inſpirer du goût pour la vie monaſtique. Ces bonnes ſœurs eurent la mortification de ne pas réuſſir. Elles me repréſentaient les agrémens d’être ſéparée pour jamais d’un monde ſi dangereux à l’innocence, les charmes de la vertu, combien l’on eſt heureux de vivre dans la ſageſſe, & de renoncer à Satan, à ſes pompes, à ſes œuvres, enfin les plaiſirs que goûtait une ame pure en ſe dévouant à Dieu ; elles me repréſenterent tout cela d’une façon ſi ridicule & ſi puérile,