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Page:L’Étourdi, 1784.djvu/53

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L’ÉTOURDI.


cherche des yeux, & vois que l’inſtant eſt perdu… Je vais chez ma mere pour la mettre dans mes intérêts ; je me précipite à ſon cou, & de toute la force qui me reſte encore, je la conjure de m’accorder ſa protection : elle me repouſſe, & m’appelle, en s’enfuyant, le meurtrier de ſon fils aîné.

Cette réception cruelle & imprévue me déchire l’ame, & m’entraîne dans mon appartement, où je me livre aux plus affreuſes réflexions. Il n’y a que les cœurs ſenſibles qui puiſſent ſe peindre toute l’amertume de celles que je fis dans les premiers momens de ma douleur.

Quoi ! m’écriai-je ? Mon ſort eſt de me voir outragé par les perſonnes qui me ſont les plus cheres ; & la nature qui parle à mon cœur avec tant de force, eſt muette pour elle. J’ai perdu l’amitié de mon pere, & celle de ma famille ; un intervalle immenſe me ſépare du tendre objet de mes adorations… La vie m’eſt à charge, & la nature a imprimé en moi une horreur pour la deſtruction de mon être.