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Page:L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, 1910.djvu/244

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L’ŒUVRE DE GIORGIO BAFFO


Que tout le monde me coïonne,
Cela ne se peut pas faire ;
Ma marchandise est donc bonne,
Puisque chacun la recherche.

Inutile ici de mentir,
Ma veine est assez plaisante,
Et mes vers, suffit de le dire,
Ont couru par tout le monde.

De mon critique je ne vois pas
Que personne ait un seul sonnet,
Et si quelqu’un en a eu, je crois,
Qu’il s’en serait fait un mouchoir.

Il faudrait un grand talent
Et beaucoup de rares qualités,
Pour traiter d’imbécile
Un poète qui a plu à tant de gens ;

S’il sait de plus que je suis un homme
Qui ne possède aucune science,
Il aurait dû, ce coïon,
Respecter ma Fortune.

La Fortune est une Déesse,
Et qui acquiert sa faveur,
En ce bas monde est heureux
Et est adoré de toutes gens.

De faire le métier de poètes,
Je ne le conseillerai jamais ;
Ils restent pauvres toute leur vie,
Et de plus on les coïonne.