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Page:L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, 1910.djvu/252

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L’ŒUVRE DE GIORGIO BAFFO

Ne peut aller au-delà de ce cercle étroit,
Pour autant qu’il veuille philosopher.

D’une matière immense et éternelle
Dans le sein fécond se produit tout,
Avec des changements de forme extérieure ;

Ce qui était une fleur, un arbre, un fruit,
Devient de la pierre, du bois, et une force
Intérieure donne vie à ce qui est détruit.
Je dis tout bref
Que quand les hommes, sur terre, ont entendu la foudre,
Ils ont imaginé des Jupiter, des Pluton ;
Épouvantails de coïons,
Sont Cerbère et la barque à Charon,
Le fleuve Léthé et le fleuve Phlégéthon ;
Que sur la céleste montagne
Nous boirons le nectar en compagnie de Dieux,
Et baiserons le cul aux demi-dieux,
Ces conceptions si belles,
Ces images qui nous font tant plaisir,
Sont des coïonneries grosses comme des maisons.
Puis ce qui me déplaît
C’est qu’on veuille que les hommes soient sages et vertueux,
Eux qui de nature sont fous et vicieux.
Oh ! nous sommes curieux !
De même que les agneaux naissent doux,
Les lions naissent féroces et maudits ;
Ainsi diverses causes
Font que certains hommes naissent sages et bons,
D’autres pleins de fougue et déchaînés.
Le savent bien les fortes têtes,
Qu’une fatalité que nul ne comprend
Cause toutes les vicissitudes du monde,
Auxquelles on n’entend rien,