Page:L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, 1910.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
239
L’ŒUVRE DE GIORGIO BAFFO


L’AUTEUR S’EN PREND À LA NATURE

Je te chie dessus, malandrine de Nature,
Encore bien que j’aie un cas de géant ;
Tu m’as fait deux jambes pourvues de deux pieds,
Et deux bras ayant main droite et main gauche.

À quoi servait de faire tant de dépense,
De me donner tant de dents, et tant et tant de doigts ?
N’eût-il pas été mieux d’en épargner un peu,
Et de me pourvoir d’une douzaine de cas ?

Que n’en ai-je du moins deux, en certaines
Occasions, afin que, si l’un mollissait,
L’autre pût s’acquitter de la fonction !

Eh ! n’est-ce donc pas l’œuvre d’une folle,
D’avoir mis tant de peau tout autour des roustons ?
Pourquoi n’en avoir pas fait un autre vit ?
Quel plaisir, quel bonheur
En un même instant éprouverait la femme,
De se sentir un cas derrière et un autre en moniche !


ON NE DOIT PAS CROIRE, À MOINS D’ÉVIDENCE

L’homme ne doit jamais croire sinon
Quand par une entière évidence il est contraint ;
Tel est mon principe, celui qu’en secret
Je m’en vais ruminant dans ma tête.

Je ne trouve dans tout cet univers si grand,
Rien que mouvement et matière, et mon concept