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Page:L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, 1910.djvu/55

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L’ŒUVRE DE GIORGIO BAFFO


Tu es vraiment par trop simplette,
Tu n’entends rien à notre cœur :
Celle qui n’est plus jeunette,
Qu’elle garde de l’amour ;

Mais celle qui a la jeunesse,
Laquelle sur les hommes détient l’empire
Et les met en servitude,
Ne garde pas d’amour sincère.

Un guerrier, qui peut prendre
Maintes villes, et s’en réjouit,
Ne se peut jamais tenir tranquille
S’il n’en a pris qu’une seule.

Moi je n’estime une femme
Ni pour sa beauté, ni pour sa noblesse ;
Je donne le prix à celle
Qui a des amants en quantité.

Un amant, toujours le même,
C’est une chose qui m’assomme ;
De prime abord tout est beau,
Puis vous lasse toute comédie.

C’est vertu de n’aimer qu’un seul
Mais une incommode vertu ;
Moi je me réjouis avec celles
Qui en fait d’amants en ont le plus.

Aux Romans je laisse
Cette rare fidélité
Dont Arioste et le Tasse ont écrit,
Mais qui ne s’est jamais gardée.