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Page:La Brochure mensuelle, n° 16, avr. 1924.djvu/16

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Un maître, puisque voter c’est renoncer à sa propre liberté et l’abdiquer en faveur de l’élu.

Toi qui votes, ne m’objecte pas que tu conserves quand même le droit de t’insurger. Mets-toi bien dans la tête que s’il t’arrive d’entrer en révolte contre l’Autorité, tu renies la signature que tu as donnée, tu violes l’engagement que tu as contracté, tu retires à ton représentant le mandat que tu lui as librement consenti.

Tu l’as envoyé au Parlement avec la mission précise d’y participer, d’y collaborer à la discussion, au vote, à la promulgation de la loi et de veiller à la scrupuleuse application de celle-ci.

C’est le Parlement qui a la charge de modifier ou d’abroger les lois ; par ton suffrage exprimé, tu as participé à la composition de ce parlement ; par ton vote, tu lui as donné pleins pouvoirs ; le parti auquel tu appartiens a des représentants au sein de cette assemblée ; le programme que tu as affirmé par ton bulletin a des porte-parole à la Chambre. Il leur appartient – tu l’as voulu – d’amender, de corriger ou d’abroger les lois qui entravent ton indépendance politique et consacrent ta servitude économique.

Enrage, proteste, indigne-toi, tu en as le droit. Mais c’est tout ce qu’il t’est permis de faire. Ne perds pas de vue que, en votant, tu as renoncé, ipso facto, à ton droit à la révolte, que tu as abdiqué en faveur des représentants de ton parti, que, pour tout dire en un mot, tu as cessé d’être libre.

Celui qui a compris cette élémentaire vérité : l’anarchiste, ne vote pas, parce qu’il veut être un homme libre, parce qu’il refuse d’enchaîner sa conscience, de ligoter sa volonté, parce qu’il entend garder, à tout instant et en toutes circonstances son droit à la révolte, à l’insurrection, à la révolution.


L’État, c’est l’ennemi !


Écoute encore. En régime représentatif, le Parlement, c’est l’État.

Théoriquement, il n’en est qu’une partie ; car, en principe, il n’est nanti que du pouvoir législatif. Mais c’est le Parlement (Chambre et Sénat réunis) qui élit le Président de la République, entre les mains de qui est centralisé le pouvoir exécutif ; et si, théoriquement, c’est la Magistrature qui détient le pouvoir judiciaire, comme c’est le Parlement qui confectionne les lois et que le pouvoir judiciaire n’a que le mandat d’en appliquer les dispositions, on voit que, somme toute, directement ou indirectement, le Parlement est, en dernière analyse, omnipotent. C’est donc lui qui est l’État.

Or, l’État, disent les Anarchistes, c’est la prise de possession du Pouvoir par la classe dominante, au détriment de la classe dominée. C’est, actuellement, l’ensemble des institutions qui régissent la nation entre les mains des chargés d’affaires de la classe capitaliste et, plus spécialement de la haute finance, de la puissante industrie, du grand commerce et de la vaste propriété terrienne.

C’est la citadelle d’où partent les ordres qui courbent la multitude ; c’est la gigantesque forteresse où siège la force armée : troupe, gendarmerie, police, dont la fonction est de