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Page:La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 2.djvu/434

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croisade contre les albigeois.

une grande joie. « Sire, » dit Ugo Joan, « Dieu soit loué ! [5840] venez recouvrer Toulouse, puisque vous l’avez si belle de le faire ; tout votre lignage est sûr d’y être obéi, au point que, dussiez-vous n’y mettre que ces barons armés[1], vos ennemis sont détruits, et vous et nous tous devenons puissants à tout jamais. [5845] N’entrons pas par les ponts, car si on nous voyait, il ne faudrait pas longtemps pour les mettre en défense. » Raimon Bernier dit : Sire, il vous dit la vérité : on vous attend comme le Saint-Esprit. Vous nous trouverez si vaillants et hardis [5850] que jamais plus vous ne serez dépossédé de votre seigneurie. » Là-dessus Raimon et les siens chevauchèrent vers la ville, questionnant les Toulousains ; et quand ils aperçurent Toulouse, il n’y eut si vaillant qui des larmes du cœur n’eût les yeux emplis. Chacun se dit intérieurement : « Vierge impératrice ! rendez-moi le lieu où j’ai été élevé ! Mieux vaut y vivre et y mourir qu’aller par le monde en péril et honni ! » Au sortir de l’eau[2] ils entrèrent dans le pré, bannières déployées et gonfanons au vent. [5860] Et quand les habitants virent les signaux, ils vinrent au comte comme s’il était ressuscité. Et quand le comte entra par les portails voûtés, là vint le peuple, grands et petits, les barons et les dames, les épouses et les maris, [5865] s’agenouillant devant lui et baisant ses vêtements, ses pieds, ses jambes, ses bras, ses doigts. Il est reçu avec des larmes de joie, car c’est le bonheur qui revient, verdissant et fleuri !

  1. La petite escorte du comte.
  2. La Garonne ; on vient de voir qu’ils firent un détour pour ne pas passer par les ponts.