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Page:La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 2.djvu/468

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croisade contre les albigeois.

l’autre siége, sachez en vérité que de la Gascogne viendra le vin et le blé, et que nous vous enverrons hommes et vivres en abondance. — Sire, » dit le comte, « merci mille fois ; [6580] mais ce n’est pas merveille si je suis affligé, quand, en si peu de temps, j’éprouve de tels revers ; car je vois tant de mes hommes tués et blessés que j’en perds le sens, le courage, l’énergie. Je me croyais arrivé au port, [6585] et me voilà égaré sur les ondes, en grand péril. Je me demande à quel moment[1] a été fixée ma destinée, pour qu’en si peu de temps la chance ait tourné contre moi au point que mes espérances ne sont que rosée et vanité ; [6590] car une troupe de vaincus nous a repoussés, et c’est là ce qui redouble ma colère et me fait croire que je suis enchanté ! — Sire, » dit Alain, « cuider est vanité[2] et pauvreté est vergogne, et vergogne est une vertu. Et celui qui cause la perte ou le dommage d’autrui, qui se montre présomptueux, avec sa science qui n’est qu’erreur[3], est lui-même déçu et perdu. [6595] Merci voit bien que la discrétion n’est pas de votre goût, et voilà pourquoi Merci et droiture veulent que vous ayez affaire à elles. Et tout prince possédant terre qui ne sait point garder mesure, dès que Jésus-Christ s’irrite contre lui, est

  1. Sous quel astre.
  2. C’est un proverbe :

    Mais on dit : Cuidiers fu uns sos.

    (Vers du Cléomadès cité dans le Livre des Proverbes de Le Roux de Lincy, II, 489). On ne voit pas bien le rapport de cette maxime et des deux qui viennent après, avec la suite du discours.

  3. Sens douteux. Il n’est pas sûr que le v. 6594 soit correct.