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Page:La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 2.djvu/77

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introduction, § x.

événement tellement capital qu’il n’était pas possible de le passer sous silence. Toutefois il est aisé de voir que l’auteur, ou bien n’a pas vu ou a mal vu la bataille ; qu’il l’a décrite, je ne dirai pas de souvenir, car les souvenirs, même après un laps de quelques années, auraient une précision qui manque à son récit, mais d’après des renseignements imparfaits et probablement discordants. La narration du poème offre çà et là quelques faits dont l’histoire peut faire son profit, mais il s’en faut de tout qu’elle donne de la bataille une vue nette et intelligible. Ce que le poète sait le mieux, c’est ce qui se passa dans le conseil tenu avant l’engagement entre les chefs de l’armée confédérée. On y voit le comte de Toulouse essayer vainement de faire prévaloir l’avis le plus sage, celui d’attendre dans le camp fortement retranché l’attaque de Simon[1], qui, n’ayant que peu de troupes et n’espérant aucun secours du dehors, n’aurait eu d’autre alternative que de venir se briser contre des forces supérieures par le nombre et la position ou de battre en retraite devant une armée infiniment plus nombreuse que la sienne. On y voit en outre le roi d’Aragon, accumulant faute sur faute, faire d’abord cesser l’attaque de Muret, alors que, Simon n’y étant pas encore entré, cette excellente position pouvait être facilement enlevée[2], puis le lendemain, au mépris du conseil du comte Raimon, diriger contre Muret, où Simon venait de s’établir, une attaque mal combinée[3], dont le seul résultat fut d’empêcher les alliés de concentrer leurs forces, et de donner ainsi à Simon toute facilité pour battre en détail ses adversaires. On conçoit que ces fautes apparurent avec une écrasante évidence après la défaite, et

  1. V. 3006-14.
  2. V. 2950-79.
  3. V. 3022-31.