Aller au contenu

Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
DEUXIESME PARTIE.


J’ay de la force encor, la coste est peu distante,
  Le vent y pousse ; essayons d’approcher ;
    Passons de rocher en rocher :
  J’en vois beaucoup où je puis prendre haleine.
  Alaciel s’y resolut sans peine.
Les revoila sur l’onde ainsi qu’auparavant,
    La cassette en lesse suivant,
    Et le nâgeur, poussé du vent,
    De roc en roc portant la Belle :
    Façon de naviger nouvelle.
Avec l’ayde du Ciel et de ces reposoirs,
Et du Dieu qui preside aux liquides manoirs,
Hispal n’en pouvant plus, de faim, de lassitude,
    De travail et d’inquiétude
    (Non pour luy, mais pour ses amours),
    Aprés avoir jeûné deux jours,
    Prit terre à la dixiéme traite,
    Luy, la Princesse, et la cassette.

Pourquoy, me dira-t-on, nous ramener toûjours
  Cette cassette ? est-ce une circonstance
    Qui soit de si grande importance ?
Oüy, selon mon avis ; on va voir si j’ay tort.
    Je ne prens point icy l’essor,
    Ny n’affecte de railleries.
    Si j’avois mis nos gens à bord
    Sans argent et sans pierreries,
    Seroient-ils pas demeurez court ?
    On ne vit ny d’air ny d’amour.
    Les Amans ont beau dire et faire,
Il en faut revenir toûjours au necessaire.
La cassette y pourveut avec maint diamant.
Hispal vendit les uns, mit les autres en gages ;
Fit achat d’un Chasteau le long de ces rivages ;
Ce Chasteau, dit l’histoire, avoit un parc fort grand,
  Ce parc un bois, ce bois de beaux ombrages,
    Sous ces ombrages nos Amans
    Passoient d’agreables momens