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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/233

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TROISIESME PARTIE.

Dont Menphis void le Nil laver les fondemens.
La Parque est inconnuë à toutes mes pareilles :
Nous operons mille merveilles ;
Mal-heureuses pourtant de ne pouvoir mourir ;
Car nous sommes d’ailleurs capables de souffrir
Toute infirmité de la nature humaine :
Nous devenons serpens un jour de la semaine.
Vous souvient-il qu’en ce lieu-cy
Vous en tirastes un de peine ?
C’estoit moy, qu’un Manant s’en alloit assommer ;
Vous me donnastes assistance :
Atis, je veux, pour recompense,
Vous procurer la joüissance
De celle qui vous fait aimer.
Allons-nous-en la voir, je vous donne assurance
Qu’avant qu’il soit deux jours de temps
Vous gagnerez par vos presens
Argie et tous ses surveillans.
Dépensez, dissipez, donnez à tout le monde,
A pleines mains répandez l’or,
Vous n’en manquerez point, c’est pour vous le tresor
Que Lucifer me garde en sa grote profonde.
Vostre Belle sçaura quel est nostre pouvoir.
Mesme, pour m’approcher de cette inexorable,
Et vous la rendre favorable,
En petit chien vous m’allez
Faisant mile tours sur l’herbette ;
Et vous, en pelerin joüant de la musette,
Me pourrez à ce son mener chez la beauté
Qui tient vostre cœur enchanté.
Aussi-tost fait que dit ; nostre Amant et la Fée
Changent de forme en un instant :
Le voila pelerin chantant comme un Orphée,
Et Manto petit chien faisant tours et sautant.
Ils vont au Chasteau de la Belle.
Valets et gens du lieu s’assemblent autour d’eux :
Le petit chien fait rage, aussi fait l’amoureux ;
Chacun danse, et Guillot fait sauter Perronnelle.

La Fontaine. -- II.