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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/256

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CONTES ET NOUVELLES.

Je m’en raporte aux plus sçavans que moy.
Il faut pourtant que la chose soit vraye,
Et qu’aprés tout Hymenée et l’Amour
Ne soient pas gens a cuire à mesme four[1] :
Témoin l’ébat qu’on prit sous la coudraye.
On y fit chere ; il ne s’y servit plat
Où maistre Amour, Cuisinier délicat,
Et plus sçavant que n’est maistre Hymenée[2],
N’eût mis la main. Tiennette retournée,
Compere Estienne, homme neuf en ce fait,
Dit à par soy : Gille a quelque secret ;
J’ay retrouvé Tiennette plus jolie
Qu’elle ne fut onc en jour de sa vie.
Reprenons-la, faisons tour de Normant ;
Dedisons-nous, usons du privilége.
Voila l’exploit qui trotte incontinent,
Aux fins de voir le Troc et changement
Déclaré nul, et cassé nettement.
Gille assigné de son mieux se défend.
Un Promoteur intervient pour le Siége
Episcopal, et vendique le Cas.
Grand bruit par tout, ainsi que d’ordinaire ;
Le Parlement évoque à soy l’affaire.
Sire Oudinet, le faiseur de Contracts,
Est amené ; l’on l’entend sur la chose.
Voilà l’estat où l’on dit qu’est la Cause ;
Car c’est un fait arrivé depuis peu[3].
Pauvre ignorant que le compere Estienne !

  1. Editions suivantes :
    Ne soient pas gens à cuire en mesme four.
  2. Editions suivantes :
    Et plus friand que n’est maistre Himenée.
  3. Nous avons vu, dans les archives du Palais de Justice, l’original d’un arrêt du Parlement, rendu dans cette cause ou dans une cause semblable, dit M. Walckenaer, qui, par malheur, ne donne à ce sujet aucune indication précise.