Aller au contenu

Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
305
QUATRIESME PARTIE.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Ligne droite et sans nuls retours :
Va t’en y travailler et cours.
L’esprit s’en va, n’a point de cesse
Qu’il n’ait mis le fil sous la presse,
Tâché[1] de l’aplatir à grands coups de marteau,
Fait sejourner au fonds de l’eau,
Sans que la ligne fust d’un seul poinct étenduë ;
De quelque tour qu’il se servist,
Quelque secret qu’il eust, quelque charme qu’il fist,
C’estoit temps et peine perduë :
Il ne pût mettre à la raison
La toison.
Elle se revoltoit contre le vent, la pluie,
La neige, le brouillard[2] : plus Satan y touchoit,
Moins l’annelure se laschoit.
Qu’est ceci ? disoit-il ; je ne vis de ma vie
Chose de telle étoffe : il n’est point de lutin
Qui n’y perdist tout son latin.
Messire Diable un beau matin
S’en va trouver son homme, et lui dit : Je te laisse.
Aprens-moy seulement ce que c’est que cela :
Je te le rens : tien, le voila.
Je suis victus, je le confesse.
Nôtre ami Monsieur le luiton,
Dit l’homme, vous perdez un peu trop tost courage ;
Celuy-cy n’est pas seul, et, plus d’un compagnon
Vous auroit taillé de l’ouvrage.



XV. — LE MAGNIFIQUE.


Un peu d’esprit, beaucoup de bonne mine,
Et plus encor de liberalité,
C’est en amour une triple machine
Par qui maint fort est bien tost emporté,
Rocher fust-il ; rochers aussi se prennent.


La Fontaine.-- II. 20

  1. Tâche, dans les deux éditions de 1675.
  2. Les broüillards, dans l’édition de 1685.