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Page:La Fouchardière–Celval — Le Bouif Errant.djvu/201

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Le Bouif errant

Au loin des éclairs commençaient déjà à sillonner le ciel, un orage était imminent.

Prétextant le temps menaçant, Sava referma la fenêtre doucement.

— Il faut occuper les soldats, dit-il à mi-voix à Mitzi.

La Princesse fit un signe imperceptible au jeune homme. Ce dernier, négligemment, avait ramassé une corde qui servait à étendre le linge.

Alors Mitzi, prenant la balaïka des mains du chanteur, pinça deux ou trois fois les cordes et commença une ritournelle.

Ravis, les Skipetars applaudirent.

La Princesse avait une voix admirable. Un contralto magnifique dont les notes chaudes impressionnaient les auditeurs.

Elle attaqua la romance populaire carinthienne :

Feuille verte, trois brins de tige ;
Mes parents, mes pauvres parents…

Ses accents sanglotaient comme ceux de le Bohémienne dont elle racontait l’histoire. La feuille morte allant au gré du vent, ou le destin qui la pousse.

Les soldats reprirent le refrain.

Ils chantaient tous à l’unisson, sans bouger. Leurs bottes, repliées sous le banc, montraient la rangée de leurs éperons énormes.

Sava fit à Bicard une grimace, qui voulait dire « Attention ».

Le Bouif riposta en fermant un œil. Ça voulait dire qu’il ouvrait l’autre.