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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/101

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La jalousie du commerce, espèce d’avarice plus forte que toutes les autres, parce qu’il s’y mêle beaucoup d’orgueil et d’ambition, avait armé par avance les négocians maures, établis en grand nombre à Calicut, contre ces nouveaux concurrens, qui leur venaient des extrémités du monde. Bentaybo, en leur disant que les Portugais apporteraient de l’or dans les Indes pour l’échanger contre des épices, n’avait fait que redoubler leurs alarmes. Ils craignaient que l’opulence et l’activité réunies ne donnassent trop d’avantage aux Portugais, et que l’Europe ne s’emparât de tout le commerce des Indes. Ils résolurent donc de perdre ces nouveaux venus dans l’esprit du samorin, et les moyens ne leur manquaient pas. Les violences que les Portugais avaient exercées sur les côtes d’Afrique, attestées par les facteurs maures, étaient un beau prétexte pour les peindre au roi de Calicut comme des pirates, dont le chef, sous le nom spécieux d’ambassadeur, ne cherchait que l’occasion de nuire et de piller. La pauvreté des présens qu’ils apportaient était une raison décisive aux yeux des Indiens, à qui la magnificence extérieure en impose plus qu’à tout autre peuple, et devait surtout blesser le samorin , qui s’attendait à un don considérable : car l’avidité est un des caractères du despotisme oriental. Aussi Gama fut-il fort mal reçu à sa seconde audience. On le fit attendre trois heures, et le samorin lui demanda d’un air irrité comment l’ambassadeur d’un