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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/196

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à ses yeux n’étaient plus des hommes. Mais l’amiral, en cette occasion, ne pouvait se dispenser d’accorder ce qu’on demandait. Les Anglais au désespoir, en faisant sauter leur vaisseau, auraient mis sa flotte en danger. Le pilote ayant rapporté sa réponse, on eut besoin de beaucoup d’efforts pour la faire goûter à Greenwill, qui s’obstinait à mourir. Le maître canonnier, plus opiniâtre encore, voulut se tuer d’un coup d’épée, et ce ne fut pas sans peine qu’on le détourna de cette résolution furieuse. Les exemples de ce courage désespéré sont fréquens sur mer. Il semble que cet élément, qui familiarise l’homme avec les dangers extrêmes et avec le mépris de la vie, et qui le remet souvent dans l’état d’égalité et de liberté primitive, ajoute à son caractère et à ses passions un degré d’énergie qu’il n’a pas ailleurs.

Les Anglais se hâtèrent de passer sur les vaisseaux espagnols, dans la crainte que, la fureur de Greenwill se réveillant tout d’un coup, il ne se trouvât quelqu’un qui le servît trop bien en mettant le feu aux poudres. Enfin Bacan chargea quelques-uns de ses officiers d’aller prendre le capitaine anglais, qui n’était plus en état de se transporter sans secours. Les respects avec lesquels cet ordre fut exécuté semblèrent faire quelque impression sur son cœur. Cependant, en acceptant les services de ceux qui s’offrirent à le soutenir, il leur dit amèrement qu’ils pouvaient emporter son corps, dont il ne faisait aucun cas. Les Espagnols