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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/197

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eurent soin de nettoyer le vaisseau, qui était souillé de sang et couvert de cadavres. Cette vue fit pousser un soupir à Greenwill, comme s’il eût envié le sort de ceux qui n’avaient point à supporter la fierté des vainqueurs. En sortant du vaisseau, il s’évanouit un moment, et, revenant à lui, il implora la protection du ciel. Il paraissait se défier toujours des Espagnols ; mais l’accueil qu’il en reçut le rassura. Ils le comblèrent d’éloges, et tous les soins lui furent prodigués. Cependant Linschoten prétend que Bacan ne voulut jamais le voir. Croyait-il faire trop d’honneur à un prisonnier anglais ? ou bien avait-il honte d’avoir eu tant de peine à le vaincre ?

Greenwill mourut de ses blessures. Son vaisseau, qui se nommait la Vengeance, fut radoubé par les Espagnols ; mais il était destiné à périr. La flotte d’Espagne était demeurée sur ses ancres à Corvo y pour donner le temps à quantité d’autres vaisseaux espagnols et portugais de se rassembler autour d’elle. En y comprenant les vaisseaux de l’Inde, elle se trouva à la fin composée de cent quarante bâtimens. Mais, lorsqu’elle se disposait à mettre à la voile, il s’éleva une tempête si furieuse, que les habitans des îles ne se souvenaient point d’en avoir vu jamais de semblable. Quoique leurs montagnes soient d’une étonnante hauteur, la mer lança ses flots jusqu’au sommet, et quantité de poissons y demeurèrent. Ce terrible orage dura sept ou huit jours, sans un mo-