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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/200

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les débris de quantité d’autres bâtimens qui avaient fait naufrage en pleine mer, soit en se brisant l’un contre l’autre, soit en s’ouvrant d’eux-mêmes, après avoir été fatigués long-temps par la violence des vagues. Il en périt trois de eette manière à la vue de Saint-Michel, d’où l’on entendit les cris lamentables des matelots, sans pouvoir en sauver un seul. La plupart des autres errèrent long-temps sans mâts, avec des peines inexprimables ; et d’une si grande flotte il n’en arriva que trente-deux ou trente-trois dans les ports d’Espagne.

Les pertes de cette couronne, dans l’espace de ces trois années, 1589, 1590, 1591, furent innombrables. Les flottes qui faisaient voile vers les Indes et vers l’Amérique essuyèrent aussi des naufrages, et furent presque détruites. L’Espagne perdit à cette époque fatale plus de deux cents vaisseaux, ou par la tempête, ou par le fer des ennemis.

Linschoten, dont nous avons emprunté ces détails, raconte aussi un trait remarquable de l’antipathie qui animait les Espagnols contre les Anglais. Un petit bâtiment de ces derniers avait été pris à la vue de Tercère, et mené en triomphe dans le port de cette île ; huit prisonniers anglais, gardés sur leur bord, attendaient la loi du vainqueur ; un Espagnol monte au vaisseau, et en poignarde six avec un mouvement si prompt et si furieux, qu’ils n’ont pas le temps de se reconnaître ; les deux autres sont si effrayés, qu’ils se jettent dans la mer. On