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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/301

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avait fait assembler que pour déjeuner avec lui : cependant il se tourna vers Roberts, à qui il demanda publiquement s’il était marié. Sa réponse fut qu’il l’était depuis dix ans, et qu’en partant de Londres, il avait cinq enfans, sans compter un sixième dont sa femme était grosse. On continua de lui demander s’il avait laissé sa famille à son aise. Il répondit qu’ayant autrefois essuyé plusieurs disgrâces, la cargaison de sa felouque composait une grande partie de son bien, et que, s’il avait le malheur de la perdre, il n’espérait, guère de pouvoir donner du pain à ses enfans. Lo, regardant Russel, lui dit qu’il fallait y renoncer. Renoncer à quoi ? répondit l’autre en blasphémant. Vous m’entendez, reprit le général ; et, jurant à son tour, il répéta qu’il fallait y renoncer. Russel, s’échauffant beaucoup, prétendit que la première loi de la nature était, pour chacun, le soin de sa propre conservation, et rapporta plusieurs proverbes pour prouver que la nécessité n’a pas de loi. Lo répliqua doucement qu’il n’y consentirait jamais ; mais que, si la pluralité des voix était contraire à son sentiment, il se réduirait à la patience ; il ajouta que, tout le monde étant assemblé, c’était une affaire qui pouvait être décidée sur-le-champ. Alors il donna ordre à tout le monde de se rendre sur les ponts, et Roberts fut averti de demeurer dans la chambre.

Le conseil dura deux heures. Lo et Russel, étant descendus les premiers, demandèrent à Roberts s’il n’était pas vrai que sa felouque était