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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/341

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obligé de retourner à Saint-Jean, et de s’y arrêter deux mois pour réparer sa barque. Mais enfin il gagna San-Iago, la principale des îles du cap Vert, où vint aborder un vaisseau de Bristol, commandé par un de ses amis, qui le ramena dans sa patrie.

Quoique nous nous soyons peut-être un peu étendu sur les aventures de Roberts, nous croyons que le lecteur judicieux ne nous en fera pas de reproche. Il a dû y retrouver à tout moment des objets d’intérêt et d’instruction. Quel contraste plus frappant que celui de la férocité des corsaires anglais et de la bonté des Nègres de Saint-Jean ! D’un côté, quel horrible abus de tous les arts, de toutes les lumières, que l’homme policé acquiert dans la constitution sociale ! et de l’autre, quel exemple de toutes les vertus qui tiennent au sentiment de la pitié dans l’homme sauvage, qu’ailleurs nous trouverons souvent aussi méchant dans sa grossièreté que nous le sommes avec nos connaissances ! Peut-être les Nègres de Saint-Jean n’avaient-ils conservé cette bonté naturelle que par une suite de l’extrême pauvreté de leur demeure. Jetés sur des rochers au milieu des écueils qui éloignent les vaisseaux de ces parages dangereux, ils n’avaient point été corrompus par l’avarice et la fausseté qui naissent de l’esprit de commerce ; et les prêtres, qui, pour régner mieux sur toutes ces nations grossières, obscurcissent leur intelligence par la superstition, qui les rend à la fois dociles et féroces, n’avaient pas eu