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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/185

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blasphémé ses dieux. Rarement on l’entend se plaindre : dans les plus grands revers, ils conservent presque tous une fermeté qui tient du prodige. Un père condamne son fils à la mort sans changer de visage, et sans cesser néanmoins de paraître père : les exemples en sont si communs, qu’on n’y fait plus attention. Si quelqu’un sait que son ennemi le cherche, il affecte d’aller seul dans tous les lieux où il peut le rencontrer ; il traite en public avec lui, il en parle en bien, il lui rend service ; mais il ne perd pas un moment de vue la résolution de s’en venger ; si l’occasion lui manque, la dette passé à son fils, et la vengeance s’exerce toujours noblement ; jamais le Japonais n’est plus à craindre que lorsqu’il est tranquille et de sang-froid.

Il s’estime infiniment, et son mépris est extrême pour les étrangers ; non-seulement par l’idée qu’il a de sa nation, mais parce qu’il n’a besoin de personne, et qu’il ne craint rien, pas même la mort, qu’il semble regarder avec une gaieté féroce, et qu’il se donne volontairement pour le plus léger sujet.

Les manières des Japonais, leur tour d’esprit, un certain air libre et naturel, les rendent propres à la société, et les rapprochent beaucoup des notions les plus policées de l’Europe ; mais leur gouvernement les en éloigne.

Les seigneurs, les pères et les maris, ont droit de vie et de mort sur leurs vassaux, leurs femmes et leurs enfans ; il n’en est pas tout-à-fait