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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/186

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de même pour leurs domestiques. À la vérité, comme les maîtres répondent des fautes de ceux qui les servent, ils ont sur eux tant d’autorité, que, s’ils les tuent dans un premier mouvement de colère, il leur suffit, pour être absous, de prouver la justice de leur emportement.

On trouve dans leur histoire les plus beaux traits de générosité, et d’effrayans prodiges de courage. Le père Charlevoix rapporte un fait qu’il trouve dans un mémoire de 1604, et dont l’auteur avait été témoin oculaire. Une femme était restée veuve avec trois garçons, et ne subsistait que de leur travail ; mais, comme ils ne pouvaient gagner assez pour entretenir toute la famille, ils prirent une étrange résolution, dans la seule vue de mettre leur mère à son aise. On avait publié depuis peu que quiconque livrerait un voleur à la justice recevrait une somme assez considérable. Ils convinrent entre eux qu’un des trois passerait pour voleur, et que les deux autres le mèneraient au juge : ils tirèrent au sort, qui tomba sur le plus jeune : ses frères le lient et le conduisent comme un criminel. Le magistrat l’interroge ; il répond qu’il a volé : on le jette en prison, et ceux qui l’ont livré touchent la somme promise. Leur cœur s’attendrissant sur une si chère victime, ils trouvent le moyen d’entrer dans sa prison, et ne se croyant vus de personne, ils s’abandonnent à toute leur tendresse. Un officier que le hasard rendit témoin de leurs embrassemens et de leurs larmes, fut extrêmement