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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 14.djvu/148

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pointe du jour. On le lavait, on le nettoyait soigneusement. On le remenait, au milieu des instrumens et des cris de joie, au premier temple, qui était celui de l’idole Camatlé. Là, ses amis le dépouillaient de l’habit grossier qu’il avait porté si long-temps, et lui en faisaient prendre un très-riche. Ils lui liaient les cheveux d’un ruban rouge, et le couronnaient des plus belles plumes ; on lui mettait un arc dans la main gauche, et des flèches dans la droite. Le grand-prêtre lui adressait une longue harangue, qui ne contenait que des éloges de son courage, et des exhortations à la vertu. Il lui recommandait particulièrement la défense de sa patrie et de sa religion, et lui rappelant qu’il avait eu le nez percé d’un os de jaguar et d’une griffe d’aigle, le nez, c’est-à-dire la partie de l’homme qui se présente la première, il l’avertissait qu’aussi longtemps qu’il porterait les cicatrices de ces glorieuses blessures, il devait faire éclater dans toutes ses actions la noblesse de l’aigle et l’audace du jaguar. Enfin le grand-prêtre lui dormait un nouveau nom et le congédiait en le bénissant. Qui croirait que le seul prix de tant de souffrances n’était autre chose que le droit de préséance dans les assemblées, et le privilége de faire porter un siége à leur suite pour s’asseoir lorsqu’ils le désiraient ? Si les ordres de l’Europe n’avaient pas d’autres prérogatives, il est probable qu’ils seraient moins recherchés.