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Vitzilopochtli. Les prêtres les coupaient en morceaux, et les distribuaient au peuple sans distinction d’âge ni de sexe : chacun recevait le sien avec des apparences de piété qui allaient jusqu’aux larmes, le mangeait avec la même dévotion, et croyait avoir mangé la chair de son dieu. On en portait même aux malades : la cérémonie avait lieu au point du jour ; c’était un péché capital de prendre la moindre nourriture, même liquide, avant midi. Les prêtres avertissaient les fidèles de s’en abstenir rigoureusement, et chacun avait soin de cacher jusqu’à l’eau, pour en priver les enfans. La solennité finissait par un sermon du grand-prêtre, qui recommandait l’observation des lois et des cérémonies[1].

De quatre en quatre ans, les Mexicains célébraient une fête qu’Acosta nomme jubilé. Elle commençait le 10 de mai, et durait neuf jours. Un prêtre sortait du temple, jouant d’une flûte, et se tournait successivement vers

  1. On aurait eu peine à rapporter cette espèce d’imitation du plus saint des sacremens du christianisme sur tout autre témoignage que celui du P. Acosta ; mais il insiste sur ces récits avec d’autant plus de force, qu’il croit trouver une preuve de la sainteté même de nos institutions dans la malice du diable qui les contrefait. « Par cela seul, dit-il, on voit clairement vérifié que Satan s’efforce, autant qu’il peut, d’usurper l’honneur et le service qui est dû à Dieu seul, quoiqu’il y mêle toujours ses cruautés et ses ordures. » Il pousse cette idée beaucoup plus loin, lorsqu’il prétend reconnaître dans diverses pratiques de l’idolâtrie mexicaine les sacremens de la pénitence et de l’extrême-onction, la confession auriculaire, le mystère de la Sainte-Trinité, et la plupart des objets de la foi chrétienne.