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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 14.djvu/281

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Pizarre le moyen de revenir ; ensuite, feignant de regretter sa facilité, il donna ordre à Gastaneda de visiter ce vaisseau avec un charpentier, et de dire qu’il n’était pas propre à la navigation. Mais ces deux hommes eurent la fermeté de répondre que le bâtiment était bon. Il lui devint comme impossible alors de se rétracter ; et sa dernière ressource fut de faire ordonner à Pizarre, sous de grandes peines, de lui venir rendre compte de son expédition dans six mois. On reconnaît dans cette conduite du gouverneur l’embarras d’un chef qui souhaite une entreprise, et qui ne veut point se charger de l’événement.

Cependant Pizarre et ses compagnons, voyant passer plusieurs mois sans apparence de secours, commençaient à se croire abandonnés. Dans leur désespoir, ils pensèrent à faire un radeau des débris de leur navire, qui n’avait pu résister aussi long-temps qu’eux au climat de la Gorgone, pour s’approcher de la côte et descendre à Panama. Cette résolution était arrêtée lorsqu’ils découvrirent le vaisseau qu’on leur envoyait. Ils ne le prirent d’abord que pour quelque monstre marin ou pour une poutre chassée par les flots. À la vue même des voiles ils n’osaient se persuader ce qu’ils désiraient avec tant de passion. Enfin l’ayant reconnu, ils se livrèrent à des transports de joie. Pizarre forma aussitôt un nouveau plan. Il prit le parti de laisser leurs prisonniers dans l’île sous la garde de Paëz et de Truxillo,