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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 14.djvu/318

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des tentes fort riches, des étoffes, des habits et des meubles d’un prix inestimable. La seule vaisselle d’or du roi valait soixante mille pistoles. Plus de cinq mille femmes se remirent volontairement entre leurs mains. Atahualpa supplia le gouverneur de le traiter généreusement, et promit pour sa rançon de remplir d’or une salle où ils étaient alors, jusqu’à la hauteur où son bras pouvait atteindre ; et l’on fit autour de la salle une marque à la même hauteur. Il promit d’y ajouter tant d’argent, qu’il serait impossible aux vainqueurs de tout emporter. Cette offre fut acceptée ; et bientôt on ne vit plus dans les campagnes que des Péruviens courbés sous le poids de l’or qu’ils apportaient de toutes parts. Mais, comme il fallait le rassembler des extrémités de l’empire, les Espagnols trouvèrent qu’on ne repondait point à leur impatience, et commencèrent même à soupçonner de l’artifice dans cette lenteur. Atahualpa, qui crut s’apercevoir du mécontentement, dit à Pizarre que la ville de Cusco étant à deux cents lieues et les chemins fort difficiles, il n’était pas surprenant que ceux qu’il avait chargés de ses ordres tardassent à revenir ; mais que, s’il voulait y envoyer lui-même deux de ses gens, ils verraient de leurs propres yeux qu’il était en état de remplir sa promesse ; et, voyant balancer les Espagnols sur le danger d’une si longue route, il leur dit en riant : « Que craignez-vous ? Vous me tenez ici dans les fers ;