Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 14.djvu/320

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connu de personne ; et Zarate assure qu’il avait fait tuer ceux qu’il avait employés à cet office.

Les deux capitaines avaient leurs ordres, auxquels ils n’osèrent manquer pour retourner sur leurs pas. D’un autre côté, de fidèles serviteurs d’Atahualpa croyant sa délivrance prochaine, et regardant les offres de son frère comme un obstacle à son rétablissement, lui donnèrent avis de cette explication. Il jugea comme eux qu’il lui était fort important que le gouverneur n’en fut pas informé. Mais, avant de suivre les inspirations d’une barbarie politique, il voulut essayer comment les Espagnols prendraient la mort de son frère. Il feignit une extrême affliction ; et lorsqu’on le pressa d’expliquer la cause de son chagrin, il déclara tristement que ses gens, le voyant dans les chaînes, et jugeant qu’Huascar profiterait de l’occasion pour se délivrer des siennes, avaient ôté la vie à ce cher frère, dont il n’avait jamais souhaité la perte, et qu’il regrettait amèrement. Pizarre donna dans le piége, et ne pensa qu’à le consoler, jusqu’à lui promettre de faire punir les coupables. Mais Atahualpa n’eut rien de plus pressé que d’ordonner la mort de son frère ; et cet ordre fut exécuté si promptement, qu’il fut difficile de vérifier si ces fausses plaintes avaient précédé ce meurtre. On rapporte que le malheureux Huascar dit en mourant : « Je n’ai pas régné long-temps ; mais le traître qui dispose de ma vie,