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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 14.djvu/382

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à San-Domingo, pour y ratifier le traité ; il voulut même qu’un de ses capitaines accompagnât le général jusqu’à cette ville, pour y saluer de sa part l’amiral, les auditeurs et tous les officiers royaux. À la vérité, on sut dans la suite que c’était un honorable espion, qui avait ordre d’observer si les démarches des Espagnols ne couvraient pas quelque nouvelle trahison ; mais il ne put rester de soupçon à Barrionuevo lorsqu’il se vit escorté jusqu’à son navire par les principaux officiers du cacique, à la tête d’un détachement bien armé. Un incident imprévu aurait pu laisser de plus justes alarmes aux Américains. La caravelle étant à l’ancre dans un petit port, aujourd’hui connu sous le nom de Jacquemel ; les Espagnols n’y furent pas plus tôt arrivés, qu’ils voulurent traiter leur escorte ; ils prodiguèrent le vin de Castille et les liqueurs fortes. La plupart des Américains en burent avec tant d’excès, qu’éprouvant de mortelles tranchées, le ressentiment de la douleur, joint au transport de l’ivresse, pouvait leur inspirer de furieuses résolutions, dans un lieu où ils étaient les plus forts. Barrionuevo, qui avait heureusement de l’huile, ne trouva point d’autre expédient que de leur en faire avaler à tous, après leur en avoir donné l’exemple ; elle leur causa des évacuations qui rétablirent promptement leur santé. En les congédiant, il leur fit des libéralités de leur goût, et les chargea de présens pour le cacique et son épouse.