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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 16.djvu/108

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cette guerre, que les hommes et les animaux font aux caïmans, toutes les eaux du fleuve et toute la plaine ne suffiraient pas pour contenir ceux qui naîtraient de ces nombreuses pontes, puisque, après cette destruction, il est impossible de s’imaginer combien il en reste encore. »

Non-seulement ils font leur nourriture ordinaire du poisson, mais ils le pèchent avec autant d’art que les plus habiles pêcheurs. Ils se joignent huit ou dix ensemble, et vont se placer à l’embouchure d’un estero, d’où il ne sort aucun poisson dont ils n’aient ainsi le choix ; et pendant qu’ils forment ce cordon à l’entrée du canal, d’autres sont placés à l’autre bout pour donner la chasse devant eux à tout ce qui se trouve dans l’intervalle. Le caïman ne peut manger sous l’eau. Lorsqu’il tient sa proie, il s’élève au-dessus, et peu à peu il l’introduit dans sa gueule, où il la mâche pour l’avaler.

Quand ces animaux sont pressés de la faim, et que le poisson ne suffit pas pour les rassasier tous, ils quittent le bord de l’eau pour se répandre dans les plaines voisines. Les veaux et les poulains ne sont pas à couvert de leurs attaques ; et lorsqu’une fois ils ont goûté de leur chair, ils en deviennent si avides, qu’ils renoncent à la chasse des rivières. Ils prennent le temps des ténèbres pour celle des hommes et des bêtes. On a de tristes exemples de leur voracité, surtout à l’égard des enfans, qu’ils se hâtent d’emporter au fond de l’eau, comme