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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 16.djvu/183

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rante-cinq hommes, matelots et passagers, sans y comprendre le capitaine, et Martin Baudouin, du Havre, maître du vaisseau.

Après avoir navigué sept ou huit jours, il arriva pendant la nuit que les matelots qui travaillaient à la pompe ne purent épuiser l’eau. Le contre-maître, surpris d’un accident dont personne ne s’était défié, descendit au fond du vaisseau, et le trouva non-seulement entr’ouvert en plusieurs endroits, mais si plein d’eau, qu’on le sentait presque enfoncer. Tout le monde ayant été réveillé, la consternation fut extrême. Il y avait tant d’apparence qu’on allait couler à fond, que la plupart, désespérant de leur salut, se préparèrent à la mort. Cependant quelques-uns prirent la résolution d’employer tous leurs efforts pour prolonger leur vie de quelques momens. Un travail infatigable fit soutenir le navire avec deux pompes jusqu’à midi, c’est-à-dire près de douze heures, pendant lesquelles l’eau continua d’entrer si furieusement, que l’on ne put diminuer sa hauteur, et, passant par le bois de Brésil dont le vaisseau était chargé, elle sortait par les canaux aussi rouge que du sang de bœuf. Les matelots et le charpentier qui étaient sous le tillac à chercher les trous et les fentes, ne laissèrent pas de boucher enfin les plus dangereux avec du lard, du plomb, des draps, et tout ce qu’on leur présentait. Le vent qui portait vers terre, l’avant fait voir le même jour, on prit la résolution d’y retourner. C’était