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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 16.djvu/187

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» Ce n’était que le commencement de nos infortunes. Peu de jours après, dans une mer calme, le charpentier et d’autres artisans, cherchant le moyen de soulager ceux qui travaillaient aux pompes, remuèrent si malheureusement quelques pièces de bois au fond du vaisseau, qu’il s’en leva une assez grande, par où l’eau entra tout d’un coup avec tant d’impétuosité, que ces misérables ouvriers, forcés de remonter sur le tillac, manquèrent d’haleine pour expliquer le danger, et se mirent à crier d’une voix lamentable : Nous sommes perdus ! nous sommes perdus ! Sur quoi le capitaine, maître et pilote, ne doutant point de la grandeur du péril, ne pensaient qu’à mettre la barque dehors en toute diligence, faisant jeter en mer les panneaux qui couvraient le navire, avec grande quantité de bois de Brésil et autres marchandises ; et, délibérant de quitter le vaisseau, ils se voulaient sauver les premiers ; même le pilote, craignant que pour le grand nombre de personnes qui demandaient place dans la barque elle ne fût trop chargée, y entra avec un grand coutelas au poing, et dit qu’il couperait les bras au premier qui ferait semblant d’y entrer : tellement que, nous voyant délaissés à la merci de la mer, et nous ressouvenant du premier naufrage dont Dieu nous avait délivrés, autant résolus à la mort qu’à la vie, nous allâmes nous employer de toutes nos forces à tirer l’eau par les pompes pour empêcher le navire d’aller à fond. Nous